Savonarole et le “Bûcher des Vanités”.

Savonarola

Jérome Savonarole par Fra Bartolomeo, 1498*

La vie du prédicateur dominicain Girolamo Savonarola, (Jérome Savonarole) représente l’un des chapitres les plus palpitants de l’histoire de la ville de Florence.

Né en septembre 1452 à Ferrare, Savonarole commence par faire des études de médecine.
Au soir de la fête de la Saint Georges en 1475, il quitte secrètement sa ville natale pour se rendre à Bologne à pied où il entre dans l’ordre des mendiants dominicains.

Dans une lettre à son père, il explique sa décision en des mots qui l’accompagneront toute sa vie : “Outre les vilénies commises par l’homme - dont les plus grands fléaux qui soient la dépravation et l’adultère - il déplore le blasphème dans un monde ou il ne trouve plus un seul individu intègre”.

Savonarole reçoit un enseignement monastique de haut niveau à l’école du couvent San Domenico à Bologne.
C’est en 1485 qu’il arrive à Florence où le couvent dominicain de San Marco est à son Zénith.


Entrée du musée et à droite la façade de l’église San Marco.*

En effet, Michelozzi vient d’y terminer la construction de la première bibliothèque publique d’Europe, où de nombreux codex affluent bientôt du monde entier, tandis que les murs du cloitre s’enorgueillissent des fresques réalisées par Fra Angelico.

Pourtant, depuis le quattrocento l’ordre de Saint Dominique lui-même présente des signes de laisser aller.
Un débat brûlant sur le principe de non propriété oppose les frères dominicains, d’autant plus qu’avec l’expansion de l’ordre, amis et mécènes se font plus nombreux et que les oboles affluent.
Par ailleurs, le Pape Sixte IV promulgue un décret, en 1475, selon lequel l’ordre obtient le droit de posséder des immeubles et de disposer de revenus fixes.


Sixte IV*

Le véhémence avec laquelle Savonarole fustigera des années plus tard le délabrement des moeurs n’est pas encore visible lorsqu’en 1487 ses supérieurs le renvoient à Ferrare pour 3 ans.

Aux yeux des florentins, les manières et l’élocution du prédicateur semblent grossières et frustres, son accent râpeux, ses expressions peu raffinées, ses gestes saccadés et agressifs.

A son retour à Florence en 1490, il aura radicalement changé.
Dès février 1491 il prêche pour la première fois dans le dôme de Santa Maria Del Fiore.
Le même mois, il devient prieur de San Marco.

C’est avec des mots de plus en plus durs que Savonarole condamne la décadence et les errements moraux, qu’il critique le gaspillages des riches et la tyranies des puissants.
Il prophétise la chute du clergé et de l’église et affirme qu’il tient son savoir de Dieu directement.
Il menace les florentins d’un prochain jugement divin.

Bientôt les discours du prédicateur prennent une nette coloration sociale et politique.
Le fossé ne cesse donc de se creuser entre Savonarole et Laurent Le Magnifique qui tient entre ses mains les rênes du pouvoir à Florence.


Laurent le Magnifique*

Après la disparistion de Laurent en 1492, le chef de famille devient Pierre II de Médicis, dit “Pietro il Fatuo” ou “Lo Sfortunato” (1472-1503).*

Un homme a qui les florentins reconnaissent bientôt le seul talent de toujours prendre la pire des décisions quelques que soient les circonstances.

Sous son règne, Florence connait l’une de ses crises les plus difficiles.
Si en 1494, l’armée de Charles VII arrive jusqu’aux portes de la ville et menace de la soumettre, c’est bien à cause des erreurs de jugement politique commises par Pierre II.

Le peuple révolté refuse cette fois de se laisser endormir par les distributions de vin et chasse le clan des Médicis hors de la ville.

Savonarole prend le pouvoir et dirige si adroitement la délégation chargée de négocier avec Charles VII que la plus grande armée jamais parvenue aux portes de Florence, se retire sans causer de dommages dans la ville.

Avec cette succession d’évènements, la popularité de Savonarole atteint son apogée.

Au cours de ses prédications exaltées il n’hésite pas à réclamer le bûcher pour ceux qui s’adonnent à des déviances sexuelles ou au pécher du jeu.
Il conseille aux mères de ne pas confier leurs enfants à des nourrices dont le lait pourrait leur transmettre des valeurs morales douteuses.

Dans le domaine des arts, il soutient la beauté des idées contre la perfection des formes. En d’autres terme, il réclame le renoncement à la représentation des corps.

Devant de telles exigences on ne peut que s’étonner que le peintre Sandro Botticelli notamment l’auteur de la Naissance de Venus, ait pu compter un temps parmi les partisans de Savonarole !


Autoportrait de Sandro Botticelli figurant sur sa peinture L’Adoration de la Vierge médicéenne, prétexte à représenter les artistes et penseurs du néoplatonisme médicéen.*

Les humanistes de l’époque eux-même sont influencés par les agissements du religieux fanatique.

Les activités du moine connaissent un point culminant pendant le carnaval de 1497 avec le premier “bûcher des Vanités”. (Falo’ delle vanita’)
le soir du 7 février Savonarole ordonne une procession solennelle et fait dresser un énorme bûcher sur le place de la segneurie.

Les symboles des vanités et des pêchers de ce monde : perruques, instruments de musique, jeux de cartes, miroirs, parfums et portraits de belles femmes y sont sacrifiés ; ainsi que des livres d’auteurs célèbres “remplis de vices” tel que Boccace Morganti et Pétrarque.

C’est aussi à cette époque que Savonarole commence à s’appuyer sur les enfants de la ville qui deviennent des instruments, grâce auxquels il pourra imposer sa loi de plus en plus dictatoriale.
De véritables patrouilles de police enfantine sillonnent les rues de Florence à la recherche de “mauvaises actions à dénoncer”…
Chaque quartier est organisé selon une structure hiérarchique très stricte.

Ces agissements, on attiré depuis longtemps le courroux du pape.
En 1495 Savonarole est convoqué pour le première fois à paraître devant le saint Siège à Rome. Ce dernier répond au Pape qu’en raison de sa faiblesse physique il lui est impossible de se rendre à Rome.
Devant cette attitude récalcitrante, le Pape lui interdit de prêcher.
Mais après quelques semaines d’interruption, Savonarole recommence ses diatribes avec un fanatisme renouvelé.
Bien que le Souverain Pontife décrète l’excommunication du dominicain à la suite du “Bûcher des Vanités” celui-ci remonte en chair et provoque même un éclat retentissant en février 1498 avec un nouveau “bûcher des Vanités” !

Devant la pression massive exercée par Rome, ses partisans doivent renoncer à le protéger.
Savonarole propose de prouver sa bonne foi par l’épreuve du feu. Mais sommé de s’exécuter, il renonce déclenchant une véritable émeute.
Ses adversaires donnent l’assaut au couvent San Marco et la journée s’achève sur son arrestation.

Dés le lendemain débute un interrogatoire de sept semaines entrecoupé de tortures en présence des commisaires mandatés par Rome, ou il avouera tout ce qu’on lui demandait.

Le 23 mai 1498 Savonarole fut condamné par l’inquisition a être pendu. Le pape lui accordera une ultime indulgence : avant de brûler sur le bûcher il sera tué par pendaison !


anonyme, fin du XVes-Musé San Marco Florence.*

Ses cendres seront ensuite dispersées dans l’ARNO.

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Méprisé par certains comme fanatique, respecté par d’autres pour sa vision d’une vie conforme à la loi divine, des voix s’élèvent encore aujourd’hui pour réclamer sa réhabilitation et pourquoi pas ? sa béatification.