Bataille d'Andrinople

 

 

 

 

 

La bataille d'Andrinople ou Adrianople (aujourd'hui Edirne en Turquie européenne) le 9 août 378 représente le plus grand désastre militaire romain du IVe siècle. Il ne résulte pas d'une invasion mais de la mutinerie de fédérés goths. Le meilleur récit de ces événement est donné par l'historien et militaire Ammien Marcellin (vers 325-395). Avec la bataille de Canne c'est à mon avis la plus grande défaite romaine, c'est pourquoi j'ai développé très largement le déroulement de cette bataille.

 

 


L'incroyable mutinerie gothique (376-377)

Contrairement aux Huns, les Goths ne sont pas de nouveaux venus pour les Romains qui les ont pratiqués comme ennemis ou alliés depuis le milieu du IIIe siècle. En 251, les Goths infligent un désastre considérable aux Romains: le roi Cniva détruit une armée romaine et tue l'empereur Dèce. Vaincus par Constantin, ils jurent un traité d'alliance avec l'Empire en 332. Les Goths sont au IVe siècle installés au Nord du Danube, dans les régions qui correspondaient autrefois à la Dacie et à la Scythie. En 376, chassés par les Huns, barbares asiatiques, ils demandent l'asile politique à l'Empire romain d'Orient. La totalité des Goths Thervingues (appelés plus tard Wisigoths), aux ordres d'Alavivus et de Fritigern, sont autorisés à s'établir sur le territoire romain comme fédérés. Pour des raisons de sécurité, le passage est refusé aux Goths Greuthungues (Ostrogoths) de Saphrax, d'Alathée et de Farnobe. Toutefois, l'intégration massive de Goths Thervingues dépasse les capacités d'accueil des provinces balkaniques et se heurte à la malhonnêteté des commandants régionaux romains. Les Thervingues sont odieusement affamés et dépouillés par le comte des Thraces Lupicin et le duc de Mésie Maxime. Pour contenir la révolte montante, Lupicin dégarnit la frontière danubienne de troupes. L'absence de barques de surveillance fluviale incite les Greuthungues de Saphrax et d'Alathée à passer le Danube par surprise sur des radeaux. Lupicin commet une autre faute en refusant l'accès de la ville de Marcianopolis aux Goths Thervingues suppliant d'acheter des vivres, ce qui les pousse à la révolte. Les hommes de Fritigern anéantissent les troupes de Lupicin.

La mutinerie risque de s'étendre aux fédérés des colonies goths de Suéride et de Colias, admis dans l'Empire depuis une quarantaine d'années et installés près d'Andrinople. Pour des raisons de sécurité, l'empereur d'Orient Valens leur ordonne de franchir l'hellespont (détroits de la Mer Noire). Suéride et Colias acceptent et demandent à la ville d'Andrinople des vivres, des moyens de transport, et un délai de deux jours. Leur bonne volonté se heurte à la mesquinerie des Anfrinopolitains: les ouvriers des arsenaux impériaux, armés par le magistrat de la ville, narguent les fédérés et leur enjoignent d'obéir immédiatement à l'ordre reçu. C'est la guerre. Les soldats improvisés d'Andrinople sont massacrés.

 

 

Les Goths s'avèrent être les ennemis les plus difficiles à vaincre en Europe. Leur force militaire repose sur la Harjis, armée tribale. En 376, les Thervingues de Fritigern sont des fantassins et les Greuthungues de Saphrax et d'Alathée, des cavaliers. Une fois sur le territoire romain de Mésie et de Thrace, il n'y a plus la barrière du Danube pour les arrêter, et les Huns leur ôtent tout espoir de retour dans leur région d'origine. Les Goths combattent donc avec l'énergie du désespoir. Le savoir-faire romain, repérable lors des batailles contre les Alamans en Germanie, n'établit pas un différentiel notable entre les antagonistes.

De faibles renforts sont amenés d'Orient et d'Occident dans le secteur des Balkans. D'Orient sont envoyés les généraux Profuturus et Trajan (rien à voir avec l'emprereur), ambitieux et incompétents, ainsi que trois légions d'Arménie numériquement insuffisantes: 3000 hommes tout au plus. L'empereur d'Occident Gratien, pour répondre aux sollicitations de son oncle Valens, envoie le duc (général) Frigérid avec des renforts pannoniens et gaulois. Puis, il délègue le chef de sa garde personnelle, le comte des Domestiques Richomer accompagné de quelques cohortes réduites de l'armée des Gaules. La plupart de ces cohortes de renforts désertent, à l'instigation du maître de l'infanterie Mérobaude, qui redoute de voir la frontière du Rhin dégarnie de ses défenses. Frigérid, neutralisé par une attaque de gout


te, ou sa lâcheté, refuse de combattre. Il reste en veille stratégique à la frontière des deux Empires. Richomer, nommé commandant en chef, les généraux Profuturus et Trajan (rien à voir avec l'emprereur bis), engagent une bataille incertaine à Salices. Il n'y a ni vainqueur, ni vaincu mais de lourdes pertes de chaque côté. Plusieurs années après, le champ de bataille reste jonché d'os blanchis. L'impossibilité de vaincre est un signe d'inefficacité tactique.

 

 

 

 

Les Romains obtiennent quelques succès par la stratégie indirecte. A la fin de l'année 376, ils parviennent à bloquer une partie des Goths dans les défilés du Mont Haemus (Balkans). Les Goths semblent repoussés au Nord des Balkans, le dos au Danube. Au début de 377, cette stratégie est abandonnée, laissant la Thrace ouverte au pillage.

Apparemment, Saturnin, qui a remplacé Richomer retourné en Gaule, craint d'être débordé par des groupements de Alains et de Huns qui venaient de s'allier aux Goths. Pour endiguer ces hordes de pillards, Saturnin divise ses forces en groupes mobiles. Le tribun des Scutaires (cavaliers cuirassés armés d'un boucliers) Barzimer, commandant aussi les Scutaires (unité germanique) et d'autres troupes d'infanterie, est surpris par les Goths alors qu'il installe son camp sous les murs de Dibaltum en Thrace. Il contre-attaque avec les hommes qui ont eu le temps de s'armer. Barzimer contient un temps l'ennemi avec égalité, mais une réserve de cavalerie gothique l'encercle et l'anéantit au moment où il est fatigué. Barzimer avait pourtant garanti ses flancs.

C'est une répétition d'Andrinople à une moindre échelle. La tactique des Goths est d'épuiser les Romains dans un combat frontal d'infanterie, puis de les envelopper. Les ailes de cavalerie romaine semblent toujours repoussées par les cavaliers gothiques. Néanmoins après cette défaite, Frigérid, général de Gratien, retourne en Thrace. Il y encourt le risque d'être encerclé à Béroéa où il a établi son camp et préfère retraiter en direction des montagnes boisées d'Illyrie (actuelle Serbie). Sur sa route, il inflige une sévère défaite aux Goths de Farnobe et à leurs alliés Taïfales nouvellement arrivés.

 

A la fin de l'année 377, aucun résultat décisif n'est enregistré. Le récit des deux années de guerre précédant la bataille d'Andrinople souligne les insuffisances du commandement et surtout des moyens. Les plus grandes opérations sont entreprises par les généraux de l'Empire d'Occident tandis que ceux d'Orient leur sont subordonnés ou inférieurs dans l'action.

Paradoxalement, les régions dévastées ressortent de l'Empire d'Orient. Le compte-rendu des opérations est confus. Les Romains ont du mal à localiser les Goths et leurs alliés. Cela tient au fait que les Barbares agissent en plusieurs bandes dispersées. Les Goths renoncent aux opérations de siège où ils ont inaptes et qui pourraient les fixer. Le relief ondulé de la Thrace facilite les défilements. La découverte-surprise est donc à l'origine des trois batailles de Salices, de Dibaltum, et de celle menée par Frigérid. Les deux adversaires campent à peu de distance l'un de l'autre autour de Salices et une reconnaissance romaine décide de l'engagement; Barzimer est surpris par un groupe non identifié de Goths sous Dibaltum; Frigérid surprend Farnobe.

La campagne de 378

En 378, après deux années d'échecs romains dans les Balkans, l'empereur d'Orient Valens décide d'intervenir en personne. Il quitte Antioche pour Constantinople où il arrive au début du mois de juillet. A sa demande, le général Sébastien, un officier de grande valeur, quitte l'Italie pour prendre le commandement de l'infanterie à la place de Trajan. Une reconnaissance situe les Goths aux environs du Mont Rhodope. Sébastien sélectionne 2.000 fantassins parmi les légions disponibles et gagne Andrinople à 200 kilomètres au Nord-Ouest de Constantinople, soit sept jours de marche. Les habitants de la ville refusent d'abord de lui ouvrir, croyant à un piège des Goths. Aux environs de Béroéa près de la rivière Hebrus (Maritza), Sébastien dissimule ses hommes derrière une colline toute une journée et surprend un groupe de Goths dans leur sommeil. Fritigern retraite alors vers le Nord-Est près de Cabyle sur l'actuelle rivière Tundscha, dans une région de plaines fertiles où aucune surprise n'est possible. Le relief joue un rôle déterminant dans la stratégie gothique.

 

Au même moment (fin juillet-début août), venu au secours de l'Orient, Gratien parvient le long du Danube avec un corps léger en Mésie, au niveau de l'actuelle Bulgarie. Là, il est frappé de fièvre et harcelé par les Alains qui lui infligent des pertes. Il est retardé sur place. Auparavant, Gratien avait dû avorter une première tentative d'intervention pour affronter une invasion des Alamans sur le Rhin en février 378, et mener une campagne de représailles au printemps. La situation l'obligeait à maintenir le gros de l'armée occidentale en Gaule.

 

Peu après, Valens apprend le succès de Sébastien et la nouvelle des succès de son neveu Gratien contre les Alamans. La jalousie le pousse à l'action. Il quitte la villa de Mélanthias à une vingtaine de kilomètres au Nord de Constantinople, où il avait établi son camp. Marchant vers Andrinople pour rejoindre Sébastien, il garantit ses lignes de ravitaillement par une turme (escadron) de cavalerie et des archers à pied. Le 6 août, une reconnaissance repère les Goths à une vingtaine de kilomètres et marchant en direction du relai de Niké au Sud-Est d'Andrinople. Le but des Goths est de tourner l'armée romaine qui monte vers Andrinople. Leur progression est lente car, désormais sur un terrain vallonné, ils craignent une attaque-surprise au détour d'un accident de terrain. Valens parvient à Andrinople et construit dans un faubourg de la ville un camp avec fossé, rempart de terre et palissade. Arrive alors Richomer, détaché en avant par Gratien, porteur d'une lettre priant Valens d'attendre l'arrivée des renforts occidentaux avant d'engager le combat. La veille de la bataille, les avis des généraux sont partagés: Sébastien, fort de son récent succès, propose d'attaquer sur le champ; le maître de la cavalerie Victor, officier d'origine sarmate, recommande d'attendre Gratien. Valens, impatient, décide d'agir sans attendre. Il forme sa décision d'après la victoire facile remportée par Sébastien et la précédente reconnaissance du 6 août qui évalue les Goths à 10.000 hommes.

Les Goths, tout aussi efficacement informés, ont localisé les Romains et compris qu'ils étaient repérés. Le 8 août, un prêtre chrétien est ennvoyé auprès de l'empereur par Fritigern: il propose la paix et une alliance en échange d'une terre sur le territoire romain. Par une lettre privée, Fritigern avoue à Valens qu'il souhaite être son allié et lui conseille de ranger son armée en bataille pour tempérer les ardeurs belliqueuses de son peuple qu'il ne contrôle pas. Ces propositions sont rejetées. Dans le calcul de Valens l'armée d'Orient devait être plus nombreuse ou équivalente à celle des Goths. Sûr de sa force, l'empereur voit une occasion facile d'écraser l'ennemi. Mais le décompte des Goths est incomplet, car ils sont momentanément privés de leur cavalerie partie fourrager au loin. Commandée par Saphrax et Alathée, elle est composée de Greuthungues, d'Alains et de Huns.

 

 

 

 

Les forces en présence

 

"L'erreur n'est pas certaine, mais au témoignage des éclaireurs, tout ce qu'ils ont vu de cette multitude atteignait dix-mille personnes", rapporte l'historien Ammien Marcellin. Ce chiffre semble comprendre les civils et l'infanterie des Goths Thervingues. La cavalerie de Saphrax et d'Alathée n'est pas évaluée par les sources. L'historien grec Eunape indique 200.000 combattants: exagération qui rend compte de l'échec romain. Des évaluations modernes ont situé les Goths à 15.000 guerriers et 30.000 civils. Ce qui donnerait une armée de 10.000 fantassins et 5000 cavaliers. Néanmoins, il ne faut pas donner une valeur absolue au chiffre rapporté par les éclaireurs romain, ce qu'Ammien, militaire de carrière, se garde bien de faire. Les éclaireurs ont localisé de loin un groupe important de Goths, sans pouvoir faire la distinction entre civils et guerriers, et les compter précisément. Ces derniers ne doivent même pas atteindre un tiers des 10.000 reconnus.

Soldat Romain

Les troupes de Valens sont augmentées de vétérans, comme Trajan récemment mis à la retraite puis rappelé. Ammien parle de troupes aguerries, diverses, mais ne donne pas d'estimation chiffrée. Cette armée rapidement formée dans le mois de juillet est hétérogène. Contrairement à son habitude, Ammien n'en donne pas d'estimation chiffrée. Il a fallu près de trois années à Valens pour rassembler ce corps de bataille, ultime espoir des Balkans. Cette armée compte sept grandes unités d'infanterie (légions et auxiliaires palatins) de 700 à 1000 hommes. Certaines unités sont reconnues. Pour l'infanterie, les Lanciers, les Mattiaires sont des troupes d'élite (légions palatines ou d'accompagnement). Pour la cavalerie, les Scutaires-Archers et les Gens d'Armes sont des scholes palatines de la garde impériale. Les Bataves sont probablement une vexillation de cavalerie. La cavalerie n'est pas le point fort de l'armée de Valens, car elle s'enfuit à l'arrivée des cavaliers goths dans la seconde phase de la bataille. Amenés d'Orient par Valens, les cavaliers sarrasins devaient être présents à la bataille. Dans la liste des pertes, il est en effet question du tribun des Promus. Or en Orient, la Notitia Dignitatum indique huit unités de Cavaliers Indigènes Promus et trois escadrons de Sarrasins. D'autre part, après Andrinople, il est question des exploits d'un escadron de cavaliers sarrasins qu'Ammien déclare "plus aptes à la guérilla qu'aux batailles rangées". Cette cavalerie légère sarrasine est utile dans la surveillance des confins désertiques ou le harcèlement, mais il n'est pas étonnant de la voir lâcher dans un combat frontal étranger à la tradition des peuples bédouins. Nulle part dans les batailles contre les Goths, ne sont évoqués les cataphractaires (cavaliers totalement cuirassés aux montures caparaçonnées), arme de prestige par excellence du Bas-Empire. A Andrinople, la force de rupture appartient à la cavalerie gothique, non aux Romains.

Deux éléments prouvent que les Romains ont l'avantage du nombre: sur une simple évaluation des Goths à 10.000 personnes tant civils que guerriers, Valens engage la bataille; sur place, la faiblesse numérique des Goths incite les soldats romains à les attaquer spontanément. L'armée romaine d'Andrinople peut être évaluée à 3000 cavaliers et moins de 7000 fantassins.

 

 

Les phases de la bataille (I)

 

Une longue marche d'approche: à l'aube du 5 avant les Ides d'août (9 août), les Romains abandonnent le camp d'Andrinople où le trésor, le préfet du prétoire et l'administration impériale restent sous la garde de plusieurs légions. Renseignés par la reconnaissance des jours précédents, ils savent où est situé le camp des Goths. Ils sont épuisés par environ 7 heures de marche sur un terrain difficile sur une distance de 22 kilomètres.

Deux heures de l'après-midi, contact: le camp des Goths est repéré au flanc d'une colline. L'arrivée des Romains "à la huitième heure" (vers 2 heures de l'après-midi) se fait en désordre. L'aile droite formée de cavalerie est la première à se ranger un peu en avant du centre formé par l'infanterie. La cavalerie de l'aile gauche se dispose avec difficulté car elle arrive par plusieurs itinéraires. On peut en déduire que la colonne de marche, calquant l'ordre de bataille, avait son avant-garde constituée par la cavalerie de l'aile droite, l'arrière-garde formée par la cavalerie de l'aile gauche, tandis que l'infanterie restait au centre. Les Goths, privés de leur cavalerie, prennent position en hurlant devant le cercle de chariots où sont réfugiées leurs familles. Pour gagner du temps, ils incendient les champs avec des fagots de bois sec, ce qui accroît la chaleur de cette journée et la soif des Romains.

place01.jpg (27318 octets)

Négociations: Fritigern, le chef des Goths, se sentant en infériorité, essaie encore la négociation. Il propose d'échanger des otages. Par cette habile proposition, il gagne du temps pour que sa cavalerie, partie au loin, puisse revenir. Le comte des domestiques Richomer se dévoue pour mener les pourparlers. La durée des négociations exaspère les soldats romains qui jugent être en position de force.

 

place02.jpg (24171 octets)

Les Romains engagent spontanément la bataille: aucune source n'indique le butin comme motif de cette attaque spontanée, mais plutôt l'espoir d'une victoire facile et d'en finir. Le combat est spontanément engagé par la schole palatine des Scutaires-Archers que commandent le prince hibère (géorgien) Bacurius et Cassio. Privés de soutien, ils sont repoussés. Le combat se généralise. Les Romains de l'aile gauche, ulcérés par le recul de l'unité de Bacurius, parviennent jusqu'au cercle de chariots. Néanmoins, comme les cohortes de Térentius Varro enfonçant le centre d'Hannibal à la bataille de Cannes, ils se sont engouffrés dans un piège.

place03.jpg (23201 octets)

 

 

 

Les phases de la bataille (II)

 

 

Arrivée de la cavalerie gothique: au même moment, la cavalerie de Saphrax et d'Alathée, composée de Greuthungues, de Alains et de Huns, surgit des hauteurs comme la foudre et balaie tout sur son passage. Cette surprise appelle deux remarques: les Romains n'ont pas disposé d'éclaireurs autour du champ de bataille; l'arrivée d'une telle masse de cavalerie visible de loin par la poussière qu'elle dégage, a été masquée par la colline où était situé le camp barbare.

place04.jpg (25215 octets)

Enveloppement: la ligne romaine est déjà rompue par le combat initial. Quand arrivent Saphrax et Alathée, la cavalerie romaine de l'aile gauche fuit apparemment sans combattre. L'infanterie gothique reprend courage et contre-attaque. Les fantassins romains, lâchés par la cavalerie de couverture, abattus par les traits et les flèches, refluent en poussant des cris de ralliement. Les Romains se retrouvent massés en contrebas. Rattrapés par les cavaliers goths, ils sont bientôt pris dans une nasse. Alourdis par leur armure et leur long bouclier, ils n'ont plus l'espace nécessaire pour manoeuvrer, fuir, ou même manier l'épée. Les lances brisées, l'escrime de pointe rendue impossible, on se bat à la hache. La poussière soulevée aveugle les combattants qui ne peuvent parer les traits qui atteignent tous leur but dans cette masse compacte. La confusion est telle qu'on tue des camarades par erreur. L'empereur Valens se réfugie auprès des Lanciers et des Mattiaires qui résistent un temps.

place05.jpg (26422 octets)

Déroute romaine: en fin d'après-midi les pertes, la pression psychologique et l'épuisement deviennent si intolérables que les Romains partent en déroute et se dispersent, abandonnant des tas de cadavres. Il faut en déduire que l'enveloppement n'était pas complet, mais laissait une issue sur l'aile droite. La poursuite est un massacre. Les Romains sont abattus dans le dos à la lance ou à l'épée, ou écrasés par la masse des fuyards et des assaillants. Les routes sont encombrées de blessés et de chevaux tués. La nuit met fin au massacre.

place06.jpg (33987 octets)

Mort de l'empereur Valens: dans la déroute, l'empereur a même été abandonné par sa garde (le corps des Gens d'Armes). Sur l'ordre du général Trajan, le maître de cavalerie Victor essaie alors vainement de trouver l'unité des Bataves placés en réserve, mais ils ont déserté. Victor les imite comme d'ailleurs Richomer et Saturnin. Valens trouve une mort anonyme, soit d'une flèche dans la bataille, soit, d'après le récit d'un survivant, brûlé vif avec ses eunuques et ses Candidats (pages impériaux) alors qu'il s'était réfugié dans une cabane. Son corps reste sans sépulture.

 

 

Les pertes romaines

 

Selon Ammien seul un tiers de l'armée échappe au désastre. Les généraux Trajan et Sébastien restent parmi les morts ainsi que trente-cinq tribuns avec ou sans commandement. L'administration militaire, conservée à Andrinople, a pu permettre le décompte des officiers tués, mais aucune source ne chiffre les pertes des simples soldats. Les contemporains assimilent cette défaite à celle de Cannes en 216 avant Jésus-Christ où une armée romaine avait été anéantie par Hannibal. Stratégiquement, le coup est rude. Le corps de bataille de l'Empire d'Orient est anéanti, des cadres précieux ont été tués, toutes les fabriques d'armes de la zone danubienne sont détruites. Une armée de valeur ne se refait pas rapidement. César estimait que huit ans de campagne ne suffisaient pas à faire une légion aguerrie. D'autre part, l'armée du Bas-Empire est une armée professionnelle qui connaît une grave crise de recrutement et ne dispose pas de réserves. L'impact moral de cette défaite sur les Romains est immense.

 

Les erreurs du commandement romain

Une bataille est largement une suite d'imprévus, la fille du hasard. Végèce, auteur militaire romain qui écrit une dizaine d'années après Andrinople, se méfie de la bataille rangée qui, en deux ou trois heures, décide du sort d'une nation. Andrinople reproduit le schéma tactique de la bataille de Cannes où Hannibal était parvenu à anéantir une armée romaine double de la sienne. On a voulu faire d'Andrinople une date décisive de l'histoire militaire: l'avènement de la cavalerie lourde et le déclin de l'infanterie héritière des traditions antiques. En quelque sorte, le Moyen Age commencerait à Andrinople où le cavalier impose pour mille ans sa primauté à la piétaille. L'arrivée de la cavalerie de Saphrax et d'Alathée marque certes le tournant décisif de la bataille.

 

 

 

Mais ce sont des négligences de commandements qui ont précipité le désastre: reconnaissance imcomplète de l'ennemi, absence d'un camp fortifié pour trouver refuge en cas de retraite, absence de ravitaillement et de repos. D'autre part le commandement a méconnu la psychologue des combattants. Valens n'a pas harangué ou consulté ses troupes avant la bataille. Au contraire, en choisissant de négocier avec Fritigern, Valens agit en politique et non en général. Il irrite ses soldats déjà physiquement éprouvés par une longue marche.

Andrinople est ce qu'on appelle une bataille de soldats, commencée et livrée sans intervention du commandant en chef. A aucun moment on ne voit l'empereur donner un ordre. L'armée se range d'elle-même en bataille, la cavalerie aux ailes, l'infanterie au centre comme dans toute bataille antique. Aucune disposition tactique n'est relevée si ce n'est l'existence d'une réserve composée des Bataves. L'empereur Valens se contente d'assister à un spectacle qu'il ne contrôle plus.

 

Epilogue

 

Un contemporain, le philosophe et orateur grec païen Libanius, analysant les causes de la défaite fait le constat suivant: "Certains accusent nos généraux, d'autres nos soldats, affirmant que les généraux n'ont pas correctement entraîné les hommes sous leur commandement, ou que les soldats étaient lâches. Quant à moi je respecte le souvenir des combats qu'ils ont menés, le courage avec lequel ils sont morts dans leurs rangs et ont répandus leur sang... N'attribuons pas le succès des Barbares à la lâcheté, à la faiblesse ou au manque d'entraînement. La valeur des soldats et des chefs était la même que celle de leurs ancêtres, et ils ne leur étaient inférieurs ni en technique militaire, ni en instruction. Leur amour de la gloire les a fait combattre la chaleur et la soif, le feu et le fer, et préférer la mort à la fuite. Comment alors l'ennemi nous a surpassé? Je suis persuadé que la colère des Dieux nous en est la cause".

 

 

 

L'habileté des chefs gothiques n'est pas à mépriser. Flavius Mérobaude, poète d'origine franque, écrit au Ve siècke que les Teutons que combattait César étaient inexpérimentés dans l'art de la guerre, mais que les Goths n'étaient plus des Barbares mais les égaux des Romains dans la guerre. Les Barbares, à force de combattre pour ou contre les Romains sont devenus des adversaires plus redoutables. La crise ouverte en 376 n'est réglée qu'en 382 par la négociation. Théodose Ier, le successeur de Valens, accepte de reprendre les Goths comme fédérés. L'avenir réservera aux Romains d'autres mutineries gothiques...

 

 

 

Le 11 mai 330, l'empereur Constantin donne une nouvelle capitale à l'empire romain sous le nom officiel de «Nouvelle Rome». Cette cité prendra le nom de l'empereur après la mort de celui-ci. C'est sous ce nom, Constantinopolis ou Constantinople, qu'elle restera dans l'Histoire.

L'empire romain avait atteint ses plus grandes dimensions au siècle précédent. Il était devenu ingouvernable et résistait mal à la pression des Barbares.

En 293, l'empereur Dioclétien déplace le siège du gouvernement dans quatre villes proches des frontières les plus exposées (Milan, Nicomédie, Sirmium et Trèves). Il instaure un gouvernement collégial pour mieux tenir les frontières mais sa tentative fait long feu.Son successeur Constantin s'établit à Nicomédie (aujourd'hui Izmit, au fond du golfe du même nom, sur la mer de Marmara) après avoir rétabli à son profit l'unité de l'empire.

Constantin cherche un site propice à une nouvelle capitale et en 324, jette son dévolu sur la ville de Byzance. Le choix est judicieux. Byzance a été fondée 1000 ans plus tôt, en 667 avant notre ère, par des colons venus de Mégare, sur les détroits qui séparent l'Europe de l'Asie.

La ville est située sur un promontoire à l'entrée du Bosphore. Cet étroit chenal ouvre sur la mer Noire (le Pont-Euxin en grec ancien), au nord, et sur la mer de Marmara, au sud.

Cette mer fermée débouche elle-même sur la mer Égée et la Méditerranée par le détroit des Dardanelles (l'Hellespont des Grecs anciens).

La nouvelle capitale surplombe la mer de Marmara et le Bosphore.

Elle est délimitée à l'est par un estuaire étroit qui remonte vers le nord et auquel sa beauté a valu d'être appelé la Corne d'Or (aujourd'hui, les bords de l'estuaire sont devenus une zone insalubre).

Contantinople commande les passages entre l'Europe et l'Asie. Elle est également proche des frontières du Danube et de l'Euphrate. Elle est enfin située au coeur des terres de vieille civilisation hellénique.

Comme il en est allé de Rome à ses lointaines origines, le périmètre de la ville a été d'abord délimité par un sillon tracé à la charrue. Puis, des dizaines de milliers de terrassiers se sont mis à l'oeuvre.

 

Apparus au tournant de notre ère, les Alains furent le dernier ensemble nomade de langue iranienne dans les steppes européennes, après les Scythes et les Sarmates. Implantés principalement au nord de la mer d’Azov et du Caucase, ils se firent connaître par leurs incursions en territoire romain, en Arménie ou en Perse.

L’historien-soldat romain Ammien Marcellin, témoin oculaire décrit l’apparence physique des Alains : ils auraient été de petite taille mais robustes, avaient des cheveux modérément blonds, le regard martial et avaient été plus civilisés dans leur manière de s’habiller et de se nourrir que les Huns.

Sur le plan des mœurs, toujours selon Ammien Marcellin, les Alains étaient belliqueux et courageux : leur férocité et la rapidité de leurs attaques n’avaient rien à envier à celles des Huns. Ils ignoraient l’esclavage et méprisaient les faibles et les vieillards. Cette considération des vieillards prenait sa source dans l’honneur accordé de tomber au combat et à contrario le déshonneur de mourir de vieillesse.

Pour ce qui est de leur mode de vie, les Alains méconnaissaient le travail de la terre et utilisaient des chariots couverts d’écorce en guise de maisons.

L’art décoratif des Alains est essentiellement animalier : semblable à celui des Saces jusqu’au IIe siècle, il fait la part belle aux décors polychromes cloisonnés aux IIIe et IVe siècles. Ces décors se généralisèrent en Occident au moment des grandes invasions (IVe-VIe siècles), notamment par le relais des peuples germaniques orientaux, nombreux à adopter des motifs scythiques de l’art des steppes (Goths, Burgondes, Vandales).

Les sources archéologiques, quant à elles, indiquent l’existence chez les Alains d’une ou plusieurs divinités du feu et du soleil.

Les invasions hunniques dispersèrent les Alains et en firent, aux IVe-Ve siècles, des acteurs majeurs des Grandes Invasions en Europe centrale et occidentale (dont la Gaule où ils s’installent) et jusqu’en Afrique du Nord. Mais le groupe principal des Alains, replié vers la Ciscaucasie centrale, s’y sédentarisa et y devint un facteur politique et militaire essentiel dans les guerres entre Byzance et la Perse, puis dans la résistance aux invasions arabes.

Convertie au christianisme vers 916, l’Alanie caucasienne forma un puissant Etat marqué par l’influence byzantine et qui connut son apogée aux Xe-XIIe siècles.

Appelé aussi Alémans étaient un ensemble de tribus Germaniques établies d'abord sur le cours moyen et inférieur de l'Elbe puis le long du Main où ils furent mentionnés pour la première fois par Dion Cassius en 213.
Selon Asinius Quadratus, leur nom, qui signifie tous les hommes, indiquent qu'ils étaient un regroupement de diverses tribus. Il ne fait toutefois peu de doute que les anciens Hermundures formaient le gros de la nation. Les tribus qui firent probablement partie des Alamans sont entre autres les Hermundures (Hermions), les Juthunges, les Bucinobantes, les Lentienses, les Semmons, les Quades et les Teutons. À partir du IVème siècle, on entend aussi parler des Suèves. Les Hermundures firent probablement partie des Suèves. Plus tard, les noms de Alamans et Suèves semble avoir été synonyme, bien que les Suèves se déplacèrent en Espagne où ils établirent un royaume indépendant qui dura jusqu'au VIème siècle.
Les Alamans étaient continuellement en conflit avec l'empire Romain. En 268, ils lancèrent une invasion majeure dans le nord de l'Italie, là où les Romains avaient été forcé de retirer une grande partie de leurs troupes en réponse à l'invasion des Wisigoths. Au début de l'été, l'empereur Gallien arrêta leur avance en Italie, mais ensuite dut faire face aux Goths. Quand, en septembre, la campagne des Goths se termina par la victoire des Romains à la bataille de Naissus, le successeur de Gallien, Claude le Gothique, retourna dans le Nord pour s'occuper des Alamans qui commençaient à occuper toute l'Italie au Nord du Pô.
Après que des efforts pour arriver à une retraite pacifique échouèrent, en novembre Claude força les Alamans à se battre lors de la bataille du lac de Garde. Les Alamans furent battus et forcés à retourner en Germanie où pendant de nombreuses années ils ne furent plus une menace pour les Romains.
Leur plus célèbre bataille contre les Romains eut lieu à Strasbourg en 357. Ils furent battus par l'empereur Julien l'Apostat et leur roi Chonodomarius fut pris prisonnier. Le 2 janvier 366, les Alamans franchirent en grand nombre le Rhin gelé, afin d'envahir l'empire Romain.
Au début du Vème siècle, il semble que les Alamans franchirent le Rhin et conquirent puis s'installèrent dans ce qui est maintenant l'Alsace et une grande partie de la Suisse. Leur royaume dura jusqu'en 496, quand il fut conquit par Clovis Ier à la bataille de Tolbiac. Ils acceptèrent la suzeraineté des Francs et leur royaume devint le duché d'Alémanie.

Flavius Julius Valens (latin : Imperator Caesar Flavius Iulius Valens Augustus), né vers 328 et mort au combat le 9 août 378, co-empereur romain de 364 à 378, d'abord avec son frère Valentinien Ier (jusqu'au mois de novembre 375), puis avec ses neveux Valentinien II et Gratien.(vers 328-378) . En 367, Valens partit en guerre contre les Wisigoths, tribu Germanique qui empiétait sur le territoire Romain.

Deux ans plus tard, il accepta de conclure la paix, et le Danube marqua la nouvelle frontière entre les Empires Romain et Wisigoth. Il dut contenir les Perses, qui menaçaient l'Arménie. En 376, il autorisa les Wisigoths à traverser le Danube et à s'installer en Mésie. Arguant que les Romains avaient violé leur bonne foi, les Goths rompirent l'accord de paix ; Valens et la majorité des soldats de l'armée Romaine périrent lors de la bataille d'Adrianople (378, aujourd'hui Edirne, en Turquie). Théodose Ier succéda à Valens à la tête de l'empire Byzantin.

Valens périt le 9 août 378 dans la bataille d'Andrinople où les Wisigoths conduits par Fritigern, bien qu'affaiblis par la misère et la famine, battent sévèrement son armée. La cavalerie romaine est écrasée et doit battre en retraite tandis que l'infanterie, laissée livrée à elle-même, est littéralement exterminée sous les coups de la fureur des Goths. Valens est touché par une flèche. Pris de panique, il parvient à fuir entouré de sa garde personnelle et trouve refuge dans une cabane misérable. Des Wisigoths, furieux de la résistance de la garde impériale, mettent le feu au bâtiment. L'empereur y trouve la mort, brûlé vif. Selon une autre version, il serait mort sur le champ de bataille de la flèche qui l'avait atteint.

Cette défaite, au commencement des invasions barbares, est un véritable choc pour les Romains, signe d'un funeste avenir pour l'Empire.

 

.Cniva est un prince ou un roi goth qui envahit l'Empire romain au milieu du IIIe siècle. Il pénétra en Mésie, mit à sac , puis livraPhilippopolis (l'actuelle Plovdiv) en se retirant la bataille d'Abrittus où fut tué Dèce (ou Trajan Decius), premier empereur romain mort en combattant des barbares. Son successeur laissa partir Cniva avec son butin et en lui offrant un tribut pour qu'il ne revienne pas.

Venus probablement d' Asie centrale, les Huns étaient des nomades qui vivaient dans les steppes du nord du Caucase. Les Chinois les mentionnent pour la première fois au III e  siècle av. J.-C. Les Huns ont fortement marqué l'imaginaire des peuples de l'Empire romain finissant, par le caractère particulièrement cruel de leurs exactions. La chronique a ainsi attribué à Attila le surnom de «fléau de Dieu».

C'est vers la fin du IV e  siècle apr. J.-C. que les Huns apparaissent dans le bassin de la Volga. Après avoir écrasé les Alains, ils s'installent entre ce fleuve et le Don, avant d'envahir le royaume Ostrogoth implanté dans les plaines d'Ukraine. Poursuivant alors leur progression vers l'ouest, ils défont les Wisigoths, établis dans l'actuelle Roumanie, et atteignent les frontières de l'Empire romain sur le Danube.  

Selon les descriptions laissées par l'historien romain Ammien Marcellin, les Huns sont des pasteurs nomades qui ignorent l'agriculture, ne possèdent pas d'habitations permanentes et parcourent sans répit la steppe à la recherche de pâturages et de points d'eau pour leurs troupeaux. Ils subsistent grâce à la chasse et à la cueillette, sont vêtus d'habits de lin et de fourrures. Vivant presque constamment à cheval, ils ne semblent pas avoir de vrai roi, chaque clan ayant son propre chef.  

Guerriers redoutables, archers, cavaliers montés sur de petits chevaux robustes, les Huns surprennent leurs ennemis en se livrant à des charges rapides, des retraites inattendues, un harcèlement permanent. Des tombes hunniques retrouvées près du Dniepr attestent leur goût pour le pillage.