Divertissements dans la Rome Antique
Les ludi est le terme employé pour désigner les jeux publics à Rome: spectacles théâtraux, épreuves sportives et concours. Ces jeux se déroulaient lors des fêtes en l'honneur des dieux; ils furent institués pour gagner leur bienveillance ou pour détourner leur colère. Généralement annuels, ils pouvaient néanmoins avoir lieu lors d'occasions particulières. Ils ne comportaient pas d'épreuve athlétique, comme chez les Grecs. Les concours athlétiques ne virent le jour que sous l'époque impériale; on les appelait agones, comme l'agon Neronianus ou l'agon Capitolinus. Ces compétitions ne furent jamais populaires à Rome et n'ont jamais su rivaliser avec les spectacles de gladiateurs; les concurrents étaient grecs pour la plupart.
Ce sont les magistrats (préteurs ou édiles) qui étaient chargés de leur organisation. Le financement des jeux était assuré par l'Etat, mais s'avérait bien souvent insuffisant, tant les magistrats rivalisaient d'éclat. Peu à peu, l'origine religieuse des jeux va s'estomper; ces derniers vont devenir des divertissements à part entière.
Sous la République également, la chasse au gros gibier fit son apparition dès 186 av. J.-C. et devint un moment favori de la vie quotidienne des citoyens romains.
Les jeux mentionnés ci-dessus continuèrent sous l'Empire et furent enrichis par les jeux suivants:
La célébration de tels spectacles entraîna la construction de nombreux édifices dans toutes les villes de l'Empire. Théâtres, cirques et amphithéâtres coûtèrent très cher aux municipalités mais offraient néanmoins l'avantage de maintenir la romanisation des masses.
Les Anciens étaient amateurs des jeux de société, dont l'attrait était rehaussé par les gains que leur procuraient les paris engagés lors des parties. Les jeux de dés étaient particulièrement populaires; on y jouait, comme aujourd'hui, avec un cornet à dès et une table de jeu. Les latrunculi (jeu "des petits soldats") se jouaient sur une tablette divisée en cases sur laquelle les joueurs déplaçaient des pièces dénommées "soldats" et "combattants". Le jeu "des douze lignes" (duodecim scripta) est une sorte de trictrac.
Les jeux de balles, pratiqués avec des balles de taille et de poids variés, étaient également très appréciés par les Romains et étaient considérés comme étant salutaires à tout âge. Des terrains étaient d'ailleurs spécialement aménagés pour pouvoir s'y exercer.
Les jeux des enfants romains étaient variés: hochets, balles, toupies, cerceaux, balançoires, poupées, animaux miniatures, osselets, dés, jeux avec des pions et de devinette du type "pair impair" ou "combien de doigts ?". Les plus jeunes s'amusaient avec de petites voitures, tirées par des souris. Plus âgés, ils conduisaient des espèces de chars traînés par des chiens ou des poneys. Ils aimaient aussi imiter les "grandes personnes": ils jouaient au gladiateur, au soldat, au magistrat, etc.
L'amphithéâtre ne doit pas être confondu avec le cirque, qui était presque exclusivement destiné aux courses de chars.
Sanglants, les spectacles donnés dans les amphithéâtres étaient diversifiés et proposaient :
Ces spectacles étaient financés par l'empereur à Rome ou par des politiciens dans les villes de l'Empire. Ils étaient avant tout destinés à plaire au peuple en vue d'obtenir sa reconnaissance et de consolider ainsi la popularité du donateur.
D'abord constructions provisoires au Ier siècle av. J.-C., ensuite en bois, et enfin en pierre dès 29 av. J.-C., les amphithéâtres sont le prototype de nos stades actuels. Le plus ancien de ces édifices fut retrouvé à Pompéi et date de l'an 80 av. J.-C.
A Rome, c'est en 80 apr. J.-C. que Titus inaugura le premier amphithéâtre: celui de Flavien, plus connu sous le nom de Colisée, qu'il doit sans doute au "Colosse de Néron", gigantesque statue de l'empereur représenté en dieu-soleil, qui s'élevait à proximité. C'est le monument le plus significatif de la Rome antique. A l'occasion de cette inauguration, les spectacles durèrent cent jours au cours desquels 5.000 fauves furent tués.
Selon diverses sources, le Colisée pouvait accueillir de 55.000 à 120.000 spectateurs, ce dernier chiffre paraissant néanmoins excessif.
D'une hauteur de 48 mètres, le Colisée est de forme elliptique; sa circonférence extérieure atteint 527 mètres; il mesure 187 mètres sur 155. Plus de 100.000 m³ de travertin, calcaire lacustre de très belle qualité, entrèrent dans sa composition ainsi que 300 tonnes de fer pour les crampons unissant les blocs.
Composé d'une arène (arena) de 76 sur 46 mètres, il est doté de deux entrées principales. Le sol de l'arène était constitué à l'époque de planches de bois robustes juxtaposées avec précision et recouvertes de sable. Aujourd'hui, on n'y voit qu'un éventrement et on imagine difficilement que de tels spectacles s'y soient déroulés. L'édifice est complètement entouré par la cavea (ensemble de gradins) qui accueillait les spectateurs. C'est une sorte d'entonnoir, divisé en secteurs par des escaliers et par des paliers en trois ceintures étagées (podium, maeniana, porticus), couronnés en haut par une quatrième rangée de gradins en bois avec des places "debout" destinées à accueillir le petit peuple. L'étage situé à mi-hauteur comporte des places assises qui étaient destinées aux corporations. Plus bas, des sièges étaient réservés à la riche classe sociale des chevaliers. Enfin, la loge impériale ou podium était réservée à l'empereur, aux membres de sa famille et à ses éventuels invités. Aucune présence féminine n'était tolérée dans la loge impériale, pas même l'impératrice. Celle-ci prenait place de l'autre côté de la piste dans la loge des consuls. Quant aux sénateurs, ils prenaient place au plus près de l'arène, sur des sièges de marbre gravés à leurs noms, inscription d'ailleurs enlevée à leur mort.
Sous l'arène et les gradins, un dédale souterrain abritait tous les services indispensables au déroulement des jeux: machines, cages pour les fauves, armes, accessoires et une chambre mortuaire provisoire pour les combattants tués. C'est dans ces souterrains, éclairés seulement par les ouvertures ménagées pour les monte-charge, qu'attendaient les gladiateurs, venus de leur caserne, la Ludus magnus, reliée au Colisée par tout un circuit de galeries qui facilitaient ainsi les déplacements des hommes et des bêtes. La Ludus magnus était un bâtiment quadrangulaire, à l'architecture militaire, entourant une aire destinée à la formation des gladiateurs, de forme elliptique, une arène miniature en quelque sorte. Ce complexe abritait les cuisines, les salles communes, les services médicaux, l'armurerie et, sur plusieurs étages, les chambres des combattants (cellae), à deux ou individuelles, ne dépassant guère 20 m² (on n'y logeait pas davantage d'hommes afin d'éviter rébellion ... et homosexualité), ainsi que les appartements privés des administrateurs et des maîtres d'armes. Une autre caserne, tout aussi célèbre que la Ludus magnus, existait à Capoue et servait de lieu d'entraînement à 5.000 gladiateurs. C'est de là que s'échappa Spartacus pour mener la révolte des esclaves en 73 av. J.-C.
Au sommet de ce colossal édifice, une rangée de consoles servait à soutenir le velum, gigantesque "tente" formée de milliers de bandes de toiles pour protéger les spectateurs du soleil et des intempéries, manœuvrée par une centaine de marins formés uniquement pour ce service et qui appartenaient à la flotte militaire de Misène, établie dans le Golfe de Naples.
Un soin tout particulier avait été apporté dans la composition des mécanismes; au moment opportun et souvent simultanément, décors, fauves et hommes surgissaient au niveau de l'arène et cela pour le plus grand plaisir des spectateurs. Pour véhiculer les fauves et les hommes, on utilisait de véritables ascenseurs, actionnés grâce à l'ingéniosité d'un mécanisme reposant sur des contrepoids. Pour les décors, raffinés et suggestifs, allant même jusqu'à la reconstitution de collines, de forêts et de petits lacs, on usait de vastes plans inclinés et de machines mues aussi par des contrepoids.
Les amphithéâtres existaient dans tout l'Empire de Rome. Certains, comme celui de Vérone ou de Nîmes, sont si bien conservés, qu'on y organise encore aujourd'hui des représentations.
Les munera (combats de gladiateurs)
Les combats de gladiateurs sont d'origine étrusque; esclaves et prisonniers étaient obligés de se battre entre eux pour assouvir la soif de sang des dieux. Dans la Rome antique, ces jeux devinrent un spectacle à part entière, soulevant l'exaltation des foules. A la différence des jeux annuels, constitués de représentations théâtrales et de courses de chars, la fréquence des gladiatures était irrégulière, car ce genre de spectacle était très lourd à organiser et d'une longue durée. Trajan, par exemple, offrit des munera qui durèrent 123 jours et qui utilisèrent 10.000 gladiateurs.
L'origine de ces combattants était variée: criminels condamnés à mort, prisonniers de guerre, esclaves ou hommes libres volontaires qui touchaient une prime pour combattre.
Le laniste (lanista), dont le rôle premier était de rechercher et d'acheter souvent pour des sommes considérables ses "futurs" gladiateurs, était le maître incontesté de la ludus. En quelque sorte entraîneur en chef, il avait droit de vie et de mort sur ses "pensionnaires" et devait s'acquitter d'un impôt, le vectigal, qui correspondait au tiers ou au quart de ses gains. Le laniste était un gladiateur vétéran qui, après une longue carrière, recouvrait la liberté et reçevait à cette occasion une épée en bois, la rudis, symbole de sa relaxe du service.
Soumis à un dur entraînement, les gladiateurs combattaient par paires ou par groupes avec des équipements et armements différents. Les principaux types de gladiateurs sont :
Il fut également rapporté, qu'à l'époque impériale, des femmes et des nains combattaient dans l'arène, plus particulièrement sous le règne de Néron.
La veille des combats, les gladiateurs participaient à un grand repas offert par l'organisateur des jeux. Le public avait le loisir d'y assister et de juger ainsi de la condition physique des participants et de lancer leurs paris.
Le lendemain, en fin d'après-midi, les gladiateurs entrent en scène. Au son des cors et des trompettes, le spectacle est précédé d'une procession grandiose appelée la pompa circensis. En tête, le magistrat qui préside les jeux; puis les prêtres, la jeunesse romaine, les concurrents, les danseurs, les musiciens et enfin le cortège des dieux sur des chars de parade. Tous pénètrent dans l'arène par la porte triomphale (porta triumphalis). Les gladiateurs défilent ensuite devant la tribune impériale, y marquent un arrêt et prononcent ces quelques mots devenus célèbres: "Ave, Caesar, morituri te salutant !" ("Salut, César, ceux qui vont mourir te saluent !"). On a fait une loi de la phrase pathétique bien qu'il semble qu'elle n'ait été prononcée en réalité qu'une seule fois, dans des circonstances exceptionnelles, lors de la reconstitution d'une bataille navale (d'après l'historien Suétone dans la "Vie des Douze Césars").
Des séances d'échauffement précèdent le début du combat. On voit s'opposer plusieurs couples de combattants simultanément, surveillés par des arbitres reconnaissables à leur tunique et à leur baguette de bois.
Lorsqu'il est blessé, le combattant lève la main ou l'index pour demander la pitié des spectateurs. C'est le moment bien connu où les spectateurs pressent le pouce contre l'index (premere pollicem) ce qui signifie que le combattant a la vie sauve ou tournent le pouce vers le haut ou en direction de leur poitrine (vertere pollicem) pour signifier un coup mortel. Signalons qu'il existait aussi des combats sine missione, c'est-à-dire sans survivant.
Les combats étaient entrecoupés de pauses pendant lesquelles le public recevait des victuailles (en général des pains entiers, d'où l'expression "du pain et des jeux!") en assistant à des spectacles de clowns, d'équilibristes ou d'animaux savants.
En général, les combats voyaient s'opposer des couples d'hommes dont le nombre pouvait varier de 100 à 200. En 109, sous Trajan, on assista à 117 jours consécutifs de combats qui réunirent 9824 combattants!
A l'issue de ces combats, le vainqueur se voyait offrir une palme, de l'argent et des dons de diverses natures.
Beaucoup de gladiateurs devinrent des vedettes et bénéficièrent d'une grande popularité auprès du public, le plus souvent féminin et de souche aristocratique dans la plupart des cas. Il est surprenant de constater que nombreux étaient les gladiateurs qui, devenus libres, revenaient se battre, alléchés par les énormes gains.
Ce sont des combats d'animaux entre eux ou d'animaux contre des hommes.
Les hommes qui combattaient les animaux, les bestiarii, étaient soit des condamnés à mort, soit des prisonniers de guerre ou des hommes entraînés au combat et rémunérés, comme lors des combats de gladiateurs.
Les Romains possédaient des vivaria (ménageries) et des parcs zoologiques que l'on pouvait d'ailleurs visiter et où étaient élevés et dressés des animaux destinés aux chasses ou aux numéros de dressage. La faune locale se composait de cerfs, daims, chevreuils, biches, sangliers, aurochs, parfois quelques ours et des taureaux (nés dans les élevages espagnols). La faune exotique, quant à elle, se divisait en deux catégories:
Ces animaux étaient "chassés" par l'armée romaine en place et "évacués" jusque Rome, avec des pertes considérables, étant donné la longue durée et les mauvaises conditions de transport.
C'est surtout sous l'Empire que datent les plus belles collections d'animaux, comme celle d'Auguste, qui comptait 3.500 animaux (tigres, lions, guépards, rhinocéros, éléphants, ...), celle d'Elagabal (empereur de 218 à 222) et celle de Gordien Ier (enpereur en 238).
Les animaux étaient jetés dans l'arène après être restés longtemps à jeun et plongés dans l'obscurité. Les affrontements devaient être spectaculaires où taureaux, rhinocéros ou autres luttaient entre eux; et que dire des combats contre des hommes sans armes, lesquels étaient inévitablement anéantis. D'anciens auteurs, témoins de ces combats, ont rapporté qu'on pulvérisait des parfums au-dessus des gradins (orientaux, comme le safran, ou le baume des jardins d'Engaddi, en Palestine), pour couvrir l'odeur dégagée par le sang et par les bêtes féroces. Un réseau métallique haut et solide était disposé autour de l'arène; des pièces d'ivoire étaient placées sur ce grillage pour empêcher notamment les fauves de s'y agripper.
C'est dans le cirque que se déroulaient les courses de chars, tirés le plus souvent par des chevaux achetés en Afrique, en Grèce et surtout en Espagne. On y attelait parfois, par goût d'extravagance, chameaux, éléphants ou tigres. On y donnait aussi des chasses (combats d'animaux), des combats de gladiateurs et des spectacles à grand déploiement tels que défilés, processions, cortèges de vainqueurs.
Les courses de chars, qui se déroulaient essentiellement pendant les Ludi Romani (les Jeux de Rome), soulevaient auprès du public un enthousiasme semblable à celui que suscitent les rencontres de football aujourd'hui.
Généralement installé dans une dépression naturelle, le cirque a une forme oblongue dont chaque extrémité adopte la forme d'un demi-cercle. Sur trois de ses côtés sont disposés les gradins destinés à accueillir les spectateurs. Le quatrième côté se compose de l'oppidum comprenant les écuries (carceres) où sont enfermés les chevaux et les chars devant participer aux courses.
Une piste sablonneuse (ou arène) propre aux courses est divisée par la spina, qui est soit une levée de terre ou une espèce de muret, orné de statues et de colonnes monumentales. Les deux extrémités de la spina sont occupées par la "meta", borne monumentale recouverte de bronze doré et autour de laquelle viraient les chars. La borne la plus proche de l'oppidum s'appelait la meta prima; la plus éloignée, la meta secunda. Entre les deux bornes et face à la spina, se trouvait la tribune de l'empereur (pulvinar). A l'extrémité circulaire s'ouvrait la porte triomphale (porta triumphalis) par laquelle sortait le vainqueur, tandis que les tués et les blessés étaient évacués par la porta libiteneusis située du même côté que la tribune impériale.
Ces courses de chars commençaient très tôt et duraient toute la journée. De nombreux paris étaient faits sur chacune des écuries ou factions et déchaînaient une grande exaltation parmi le public au sein duquel s'échangeaient souvent insultes et coups.
Le signal de départ de la course était donné par l'organisateur, en général un magistrat, qui jetait dans l'arène une étoffe blanche (la mappa). Les chars devaient effectuer sept tours de piste, équivalant à une distance totale d'environ sept kilomètres et demi, et cela le plus rapidement possible, en longeant la spina, puis en tournant à la hauteur des metae. Sept oeufs et sept dauphins étaient disposés en rangées et fixés sur des piquets qu'on abaissait l'un après l'autre chaque fois qu'un tour de piste était accompli. Tous les coups étaient permis; les chars de droite pouvaient par exemple serrer au plus près les chars de gauche pour les faire s'écraser contre la spina. Le char était une simple caisse montée sur deux roues, comme autrefois les chars de guerre. Il était très léger et seul le poids de l'aurige lui conférait quelque stabilité. Les cochers étaient vêtus d'une courte tunique, renforcée de lanières de cuir au niveau de la poitrine pour éviter les fractures des côtes; des jambières protégeaient leurs mollets et leurs cuisses, et un casque leur tête. Ils dirigeaient les chevaux en enroulant les rênes autour de leur poitrine. Le moindre choc pouvait leur être fatal: à grande vitesse, le char pouvait se renverser, les roues se briser, les rênes s'entremêler; l'aurige n'avait alors d'autre possibilité que de saisir, s'il le pouvait, le couteau à lame recourbée qu'il portait à la ceinture et de couper les liens de cuir qui l'attachaient à son attelage. En cas d'échec, son corps était entraîné par les chevaux, rebondissant sur la piste et heurtant la spina ou les barrières extérieures. Généralement, les autres concurrents étaient incapables d'arrêter l'élan de leurs attelages; ils venaient se heurter au maladroit ou malchanceux conducteur et périssaient avec lui.
On a assisté, et ceci est tout à fait exceptionnel, à des courses de chars tirés par douze chevaux; mais, la plupart du temps, on utilisait des chars à deux chevaux (biges), à trois chevaux (triges) ou à quatre chevaux (quadriges). Dans une course de quadrige, le meilleur cheval était placé à gauche: c'est lui qui doit éviter les bornes; le plus rapide était placé à droite. Souvent les courses de quadrige étaient pénibles pour les chevaux: la poussière, les coups de fouet répétés et leur harnachement pouvaient les tuer avant la fin de la course.
Sous l'Empire, les chars appartenaient à des associations qui se distinguaient par leurs couleurs: d'abord le rouge (Russata) et le blanc (Albata), ensuite le bleu (Veneta) et le vert (Prasina). En général, la Russata se battait contre la Veneta et l'Albata contre la Prasina. Chaque équipe, en particulier celle des "bleus" et celle des "verts", avait leurs supporters (les fautores) et leurs couleurs correspondaient à des tendances politiques ou à des groupements sociaux. Le Sénat et l'aristocratie traditionaliste s'identifiaient aux "bleus" tandis que la masse populaire et les plus "démocratiques" des Empereurs (e.a. Caligula, Néron) étaient dévoués aux "verts"; la couleur de chaque équipe se retrouvait dans l'habit des auriges. Chaque faction était dirigée par un dominus factonis et entretenait un nombreux personnel: cochers, palefreniers, vétérinaires, charrons, selliers, etc.
Le vainqueur de la course était récompensé d'une branche de palmier et d'un prix important en deniers. Les auriges les plus habiles jouissaient d'une grande popularité et pouvaient amasser de véritables fortunes. Les chevaux avaient aussi leurs supporters et portaient des noms illustres, comme Victor ou Incitatus (vif, impétueux).
Le cirque le plus ancien et le plus vaste de Rome est sans conteste le Circus Maximus (grand cirque), construit au VIe siècle av. J.-C., reconstruit ensuite sous Jules César, puis sous Trajan; il acquit alors sa forme et ses dimensions définitives. Son tour de piste mesurait 1500 m et sa spina, longue de 340 m, était ornée de bas-reliefs et de monuments divers, comme le gigantesque obélisque de Ramsès II provenant d'Héliopolis et haut de 24 m. Il pouvait contenir près de 300.000 spectateurs, ce qui, à l'apogée de l'Empire romain, représentait 1/3 de la population de la ville. Il était le seul lieu de spectacle dans lequel hommes et femmes n'étaient pas séparés.
Parmi d'autres cirques, citons le cirque Flaminius, sur le Champ de Mars, construit en 221 av. J.-C., long de 300 m, le cirque de Caligula ou Circus Vaticanus (v. 40 ap. J.-C.), situé au pied de ce que sera le Vatican, où, sous Néron, furent martyrisés les chrétiens, en particulier Saint Pierre. C'est également à cet emplacement que Néron fit preuve, une fois de plus, de sa cruauté: des chrétiens enduits de poix y furent brûlés pour servir de torches aux jeux nocturnes [In Anne Bernet, Les gladiateurs (2002, Perrin): Les spécialistes ont mis cette affirmation en doute. Selon eux, un corps humain ne flambe pas, il se calcine, et ne peut donc pas donner de lumière. Quant à l'odeur qu'il dégage en brûlant, elle est si pestilentielle qu'elle ferait fuir n'importe qui.]
Citons enfin celui qui est le mieux conservé, inauguré en 309 apr. J.-C.: le cirque de Maxence, long de 520 m et situé près de la Voie Appienne; c'est le seul dont il subsiste des ruines importantes.
Au début du Ve s., un édit de l'Empereur d'Occident Honorius interdisit les affrontements entre gladiateurs, qui furent remplacés par la présentation de numéros sensationnels, comme éléphants funambules, taureaux équilibristes, ... Tandis qu'à Byzance, les courses de chars battaient leur plein, à Rome le public s'en désintéressa peu à peu.
Selon Tite-Live (Histoire romaine, VII, 2), les premiers jeux scéniques auraient été introduits en 364 av. J.-C. au cours d'une épidémie de peste, afin "d'apaiser la colère des dieux". A cette fin, on fit venir d'Etrurie des danseurs et des musiciens; ce n'étaient encore que des pantomimes sans récitant. Les Romains prirent goût à ces représentations et les imitèrent en rajoutant des chants et des dialogues en vers qui, toujours selon Tite-Live, étaient similaires aux vers fescennins [les vers fescennins sont des chansons obscènes, ou dialogues en vers improvisés, destinés à se divertir lors des fêtes et des mariages et qui étaient de la même nature que les chansons grossières chantées par les soldats lors des triomphes].
Cette union entre la poésie populaire et la danse sacrée laissa la place à un spectacle dramatique un peu plus élaboré et sans intrigue: la satura (ou "pot-pourri") avec accompagnement musical; la satura fut l'ébauche du théâtre.
Une forme de théâtre plus sérieux et plus artistique ne fit son apparition qu'en 240 av. J.-C. C'est Livius Andronicus, un Grec de Tarente, qui écrivit la première pièce dotée d'une intrigue. Il trouva son premier véritable représentant italique en Naevius dont on connaît plus de trente titres de comédies, qui seraient pour la plupart des traductions de comédies grecques, ou plutôt des adaptations. Il ne fut pas le seul à écrire des comédies qui, en quelques générations de poètes, produisit toute une floraison d'oeuvres remarquables. Il y eut Plaute qui composa presque tout son théâtre et également Caecilius, Status et Térence. Ces comédies, exemptes d'allusions politiques, charmaient le public populaire car elles mettaient en scène des types humains comme des courtisanes, des marchands enrichis, des jeunes gens avides de la fortune paternelle et des esclaves malicieux prêts à les y aider. Le public est heureux, il rit, il s'amuse.
Ces pièces étaient connues sous le nom de fabulae.
Il ne reste de ces pièces que de courts fragments.
La comédie latine disparut presque tout à fait au Ier s. av. J.-C. pour être remplacée par le mime.
A Rome, le mime fut une espèce de représentation plutôt dramatique dans laquelle les acteurs, aussi bien hommes que femmes (c'est le seul genre de spectacle où se produisaient des actrices, souvent dans le rôle de prostituées), jouaient pieds nus et sans masques des scènes quotidiennes ou romanesques, parlées en prose. Le texte importait peu bien qu'il ne fut pas absent; quant au dialogue, il était très rudimentaire. L'essentiel reposait sur la gesticulation, la danse, sur tout ce qui s'adressait aux sens plutôt qu'à l'intelligence.
Le mime évolua ensuite vers la farce licencieuse, avec des personnages typés, comme le mari trompé, la femme infidèle, son amant et la servante.
Sous l'Empire, les mimes contribuèrent au déclin de la comédie. Patronnés par les empereurs, ils étaient très prisés du peuple qui aimait leur nature de farce, leur indécence. Ils furent finalement supprimés dans l'Empire romain en 502 ap. J.-C.
Les masques étaient coloriés et l'ouverture de la bouche servait de porte-voix.
De forme allongée, les masques tragiques traduisaient émotion et violence. Les masques comiques reproduisaient fidèlement les traits du visage humain et visaient surtout à amuser. |
Quant aux chaussures: le cothurne (cothurni), à semelle très haute, dont se chaussaient les acteurs tragiques et, pour les acteurs comiques, des crepidae (sandales d'origine grecque) ou des socci. Pour différencier les personnages, l'acteur portait des accessoires distinctifs tels que des perruques, blanches pour simuler les vieillards, blondes ou brunes pour les ingénues, et rousses pour les esclaves. Un châle jaune désignait une prostituée, une cape militaire un soldat et le proxénète était revêtu d’un manteau haut en couleurs.
A l'origine, les spectacles se donnaient en plein air sur des estrades provisoires mobiles, souvent démolies aussitôt les représentations terminées.
Les Romains aspirèrent peu à peu à l’édification de théâtres permanents mais le Sénat s’y opposera fermement et longtemps, prétextant que cela aurait favorisé chez les spectateurs la corruption des moeurs.
Il faudra attendre 56 av. J.-C. pour que la ville de Rome soit dotée de son premier théâtre permanent sur le Champ de Mars et qui comportait 2700 places assises.
Le théâtre romain est disposé en demi-cercle. Les spectateurs empruntaient des couloirs d’accès souterrains (vomitoria) pour atteindre leurs places situées dans les gradins (cavea), qui sont soutenus par des murs, contrairement aux gradins des théâtres grecs qui épousent une pente naturelle du terrain.
En bas de la cavea, se trouve l’orchestre (orchestra) réservé aux spectateurs de marque, tels que magistrats et sénateurs. Devant l’orchestre, là où évoluent les acteurs, la scène (proscaenium ou pulpitum), qui est située en hauteur et construite contre un mur. Derrière la scène, le mur de scène (scaena, frons scaenae) sert de décor permanent et représente en général la façade d’un palais à trois ou cinq portes richement ornées. Ce mur de scène atteint la même hauteur que le gradin le plus élevé de la cavea.
Les coulisses (postscaenium) sont dissimulées derrière le mur de scène, dont le sommet est incliné vers l’avant, de façon à rabattre la voix.
Enfin, au sous-sol: les machineries ou hyposcaenium.
Bien que les petits théâtres, les odéons, réservés aux concerts et aux lectures publiques fussent "couverts", on se contentait, dans les théâtres proprement dits, de tendre des toiles (velum) pour protéger les spectateurs du soleil et des intempéries.
Les troupes théâtrales étaient composées d'esclaves ou d'affranchis: généralement cinq acteurs (histriones), des flûtistes (tibicines), chanteurs (cantores), musiciens, figurants, machinistes, tous dirigés par un chef de troupe, le dominus gregis.
Etre acteur était en principe interdit aux citoyens Romains, ce qui n’empêchera nullement Néron de faire monter sur scène des sénateurs et des magistrats et même de s’y produire lui-même !
La mise en scène d'un spectacle théâtral était en général très coûteuse. Même si la contribution de l'Etat était considérable, les plus importantes compagnies théâtrales pouvaient imposer leurs propres conditions, toujours très onéreuses, aux imprésarios qui, en outre, devaient rémunérer machinistes, couturières et décorateurs. Bien que méprisés à l'origine, acteurs et musiciens s'enrichirent progressivement et furent acceptés socialement lorsque s'imposèrent de "grands" acteurs.
Les théâtres romains étaient nombreux dans toutes les provinces. Certains d'entre eux sont encore utilisés aujourd'hui, comme celui d'Orange qui est le mieux conservé de tous les théâtres antiques; il date sans doute de l'époque augustéenne.
Comme de nos jours, chacun se posait, dans la Rome antique, la question de savoir comment occuper les heures libres de la journée. Il n'y avait que l'embarras du choix pour cette masse d'individus, qu'ils soient désoeuvrés, sans-travail, immigrés ou aventuriers: errer dans les forums, dans les basiliques, boire, manger et jouer dans les tavernes. Quant aux citoyens ordinaires, dont la journée de travail finissait assez tôt, ils se rendaient volontiers aux thermes, en attendant l'heure du dîner.
Les nombreuses sources chaudes présentes en Italie méridionale ont facilité la création des établissements de bains collectifs, caractéristiques de la civilisation impériale romaine: les thermes.
Premières constructions à s'élever dans les colonies, l’hygiène fut leur fonction initiale. Par la suite, l’activité sociale remplaça la nécessité sanitaire. Les thermes devinrent ainsi un lieu de rencontre social, intellectuel et même professionnel où «on parlait affaires».
Les premiers bains publics apparurent au IIe siècle av. J.-C. et étaient accessibles les jours de marché, c'est-à-dire tous les neuf jours. A Pompéi, ils datent du Ier siècle av. J.-C.; à Rome, ce fut Agrippa qui fit construire les premiers édifices thermaux en 33 av. J.-C. A partir de cette époque, les thermes furent fréquentés quotidiennement par toutes les classes sociales: riches, pauvres, libres ou esclaves.
Au fil des siècles, ces établissements s'agrandirent et leur nombre s'accrût. A Rome, ils étaient offerts par les empereurs à qui ils coûtèrent de véritables fortunes, ne serait-ce que pour y faire amener l'eau nécessaire; dans les autres villes, leur construction était financée par quelque riche particulier.
Au IVe siècle, Rome comptait environ 850 bains publics. Les principaux thermes sont ceux d'Agrippa au Champ de Mars, ceux de Néron, de Titus (non loin du Colisée), de Domitien, de Trajan, de Caracalla, de Dioclétien et de Constantin.
Dans les grands thermes, il existait des bains mixtes. En général, les femmes s’y rendaient le matin et les hommes l’après-midi ou le soir, avant le dîner. Quant aux pauvres, ils étaient heureux de s’y attarder pour y trouver le luxe, absent de leurs demeures et surtout pour oublier leur misère quotidienne. Dans les thermes plus petits, des horaires différents étaient appliqués pour les deux sexes. Chaque citoyen y consacrait en moyenne deux heures de son temps chaque jour.
Les différents locaux étaient structurés selon des critères fondés sur la succession des opérations. Le baigneur gagnait l’entrée des thermes, muni de son matériel de bain (huile, éponge et strigile) et pénètrait dans le vestiaire (apodyterium). Il passait ensuite dans la salle de bain chaud (caldarium, eau à 40°C), ensuite dans une salle intermédiaire moyennement chaude (tepidarium, eau à 25°C) et, enfin dans la salle du bain froid (frigidarium), fortement recommandé par le corps médical qui voyait en lui le remède miracle pour affermir les chairs. La piscine, ou natatio, était généralement située en plein air; celle des thermes de Dioclétien fait 2.500 m². |
Hormis ces salles, les thermes les plus importants possèdaient un sudatorium (étuve chaude et humide) et un laconicum (étuve sèche). Le baigneur parachevait son parcours en se rendant dans l’unctorium (salle de soins), où il se faisait masser, épiler et frictionner à l’huile parfumée. Le massage pouvait durer longtemps et était suivi par l'épilation des aisselles que l'on pratiquait à l'aide d'une pince. Une pâte à base de saindoux et d'ellébore blanc était ensuite appliquée pour pallier à d'éventuelles démangeaisons.
Dans les thermes les plus luxueux, les mosaïques et les peintures étaient nombreuses et dilataient en quelque sorte l'espace à l'aide de savants jeux de perspective.
Les salles étaient immenses ainsi que les voûtes recouvertes d'or ou de riches mosaïques qui reposaient sur d'énormes colonnes dont les chapiteaux sont ornés de sculptures aux motifs mythologiques. Certaines salles possédaient peu d'ouvertures pour permettre d'emmagasiner la chaleur; d'autres avaient de vastes baies qui laissaient entrer généreusement la lumière. Elles pouvaient être aménagées selon divers plans et atteignent la perfection dans les thermes de Caracalla à Rome (construits de 212 à 235, ils pouvaient accueillir 1600 baigneurs dans une enceinte de 337 mètres sur 328) et dans ceux de Dioclétien, situés au nord de Rome et érigés entre 298 et 305, qui s’étendaient sur 13 hectares et accueillaient 3000 baigneurs.
Les murs, quant à eux, étaient épais pour éviter l'influence des températures extérieures. Le sol était un véritable tapis de marbre et de mosaïques somptueuses.
En général, les baigneurs étaient tout à fait nus. Cependant, la mosaïque qui orne la salle des Dix Filles dans la villa de Piazza Armerina, représente les baigneuses vêtues d'un soutien-gorge (fascia pectoralis) et d'un slip (subligar); cet ensemble est semblable à notre bikini moderne.
Quant au prix d’entrée, il était peu élevé pour les adultes et l'accès gratuit pour les enfants. Tout au plus devait-on payer un quadrans, c'est-à-dire beaucoup moins que pour un litre de vin ou un petit pain.
Les édifices thermaux les plus importants ne comprenaient pas que des bains. On y trouvait généralement un sphaeristerium (salle de sport), des bibliothèques, des salles de jeux, des déambulatoires, des musées, des salles de conférences, un bar, des boutiques, des jardins qui devinrent de nouveaux espaces de promenade, des pelouses avec jets d’eau et bien évidemment des toilettes. Pour ce qui est du sport, il fut longtemps méprisé par les Romains alors qu'il était honoré par les Grecs. Les Romains trouvaient sa pratique inutile et ils étaient choqués par ces exercices que les Grecs pratiquaient nus. Peu à peu, l'hellénisation aidant, le Romain s'adonna à l'exercice physique, comme l'escrime, l'équitation, la natation,... Les jeunes gens s'adonnèrent ensuite à l'athlétisme et, par la suite, la gymnastique, pratiquée dans les stades, deviendra un spectacle très apprécié par la population. Autant de distractions qui firent concurrence à la rue et au forum.
Des thermes de toutes les tailles furent construits du mur d’Hadrien jusqu’au Liban. Les plus majestueux sont, selon l’avis des experts, les thermes de Cluny à Paris. Signalons également les thermes de Bath, en Grande-Bretagne, remplis d’une eau de source chaude naturelle que les Romains trouvaient excellente pour la santé.
Ce sont les aqueducs qui fournissaient l’eau alimentant les thermes. Stockée dans de grands réservoirs, elle était distribuée dans les différents bains, pour ensuite être évacuée par des égouts. Le chauffage de l’eau se faisait par le système d’hypocauste, ou circulation d’air chaud au travers de sols surélevés sur des piliers ou de murs à doubles parois. Souvent, le plancher était trop chaud pour les pieds des baigneurs qui devaient porter des socques en bois.
Une main-d’œuvre considérable constituée d’esclaves était utilisée pour l’entretien des foyers et pour les massages.
Les grandes villas suburbaines possédaient des thermes, alors que les maisons de la ville n’étaient dotées que de simples bains.